Pourquoi il faut juger Carlos Ghosn
8 January 2020
Droit pénal international

Pourquoi il faut juger Carlos Ghosn

Même au Liban, Carlos Ghosn doit être jugé. Il en va de la crédibilité de nos États de droit, de nos démocraties et de l’honneur de nos multinationales et de leurs dirigeants.

L’incroyable et romanesque évasion de Carlos Ghosn est une gifle pour la justice japonaise. L’homme a déjoué tous ceux qui assuraient sa surveillance rapprochée (agents de sécurité, police, Parquet et Nissan). Il s’est réfugié dans le pays de son enfance, et de ses principaux investissements, là où il dispose d’un vaste réseau de soutiens.

Monsieur Ghosn a déclaré qu’en agissant ainsi, il s’était libéré de l’injustice et de la persécution politique. Il n’a cessé de qualifier le système judiciaire japonais de partial et dans lequel les droits de l’Homme sont déniés.

Il devait être jugé au printemps prochain pour non-déclaration de revenus aux autorités boursières et pour abus de confiance aggravée.

Comme il n’y a pas d’accord de coopération judiciaire ou d’extradition entre le Japon et le Liban et comme le Japon ne juge pas par contumace, le procès de Monsieur Ghosn n’aura pas lieu là où les faits reprochés ont été commis. Le Japon a perdu sa souveraineté judiciaire. Seuls Nissan et le collaborateur de Carlos Ghosn répondront au Japon de leurs actes.

L’un des avocats de Monsieur Ghosn a déclaré que la fuite de son client était impardonnable mais qu’il comprenait le geste de son client, provoqué par l’extrême sévérité de la justice nippone.

Passer 130 jours en détention préventive et être assigné à résidence pendant plus de 8 mois avec interdiction de rencontrer son épouse, d’accéder à internet ou de quitter le pays, est sévère surtout lorsqu’on conteste les faits reprochés et qu’on est présumé innocent.

Les patrons inculpés sont mieux traités en Belgique

Aucun dirigeant d’entreprise poursuivi pour des infractions financières n’a jamais subi de telles affres en Belgique. La durée d’incarcération des patrons belges en détention préventive oscille généralement entre quelques jours et trois semaines.

On se souviendra par exemple des PDG du groupe Schneider, de KBLux ou du holding Bois Sauvage. Les conditions de détention et de libération ont rarement été aussi lourdes que celles pour Monsieur Ghosn.

Même si le Japon est un État de droit reconnu, force est de constater que plusieurs ONG et les Nations Unies sont sévères quant à la justice qui est pratiquée: peine de mort toujours en vigueur, recours très serré à la prison comme moyen d’obtention d’aveu, très longs interrogatoires, non-accès à un avocat pendant de longues heures…

Dans son communiqué publié à son arrivée à Beyrouth, Monsieur Ghosn a déclaré qu’il n’avait pas fui la justice. Prenons-le au mot!

Une question de crédibilité et d’honneur

Même s’il n’est pas convenable de choisir son juge, le Liban choisi comme État refuge pourrait, si les systèmes judiciaires le permettent, organiser ledit procès, en présence d’observateurs internationaux impartiaux et indépendants qui garantiraient la tenue d’une procédure équitable. L’État japonais pourrait s’y constituer partie civile.

S’il y a lieu, une justice négociée et réparatrice (du type transaction pénale) pourrait aussi être recherchée. La présomption d’innocence doit être respectée mais les chefs d’accusation doivent être scrupuleusement rencontrés. Il en va de la crédibilité de nos États de droit, de nos démocraties et de l’honneur de nos multinationales et de leurs dirigeants.

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