On sait peu de choses sur le lanceur d’alerte qui est à l’origine de l’apparition de ces 11,5 millions de documents rendus publics par certains médias. On sait que les pièces proviennent des archives du cabinet d’avocats fiscalistes panaméen Mossack Fonseca, spécialisé dans les offshores depuis 1977 et présent dans plus de 40 pays, mais pas en Belgique.
Comment ces dossiers ont-ils été pillés? Par qui (on cite une source anonyme…)? Dans quelles conditions financières ont-ils été remis aux médias? Tout porte à croire que l’origine de ces documents est infractionnelle comme elle l’était dans les précédents scandales.
Le cabinet d’avocats a porté plainte auprès du parquet panaméen. Il a déclaré avoir été victime d’un piratage informatique à partir de serveurs étrangers.
Parmi les noms révélés comme étant les ayants droit économiques des 214.488 entités juridiques repérées, il y a beaucoup d’hommes politiques et publics, des sportifs, des milliardaires… Il n’y a quasi aucun avocat, à l’exception notable chez nous, parmi les 732 contribuables résidents cités, d’un ancien ministre aujourd’hui décédé et dont l’adresse de l’offshore était précisément celle de son bureau d’avocats.
On cite des héritiers de grande famille, des diamantaires et des professions libérales (médecins, notaires, experts-comptables, architectes, experts fiscaux…). Parmi les conseillers des personnalités éclaboussées, il n’est pas exclu de penser qu’à côté des banquiers et des professionnels du chiffre, certains avocats aient pu intervenir.
Febelfin est la seule organisation représentative professionnelle à avoir nié que ses membres aient aidé leurs clients à éluder l’impôt. La création d’offshores n’est évidemment pas en soi répréhensible. Le but premier d’une offshore est l’optimalisation fiscale. Le choix de la voie la moins imposée n’est pas une infraction. Il est très largement pratiqué par des sociétés ayant pignon sur rue et qui sont les moteurs de notre économie.
Choisir un État où la fiscalité est la plus avantageuse ou parce que la situation économique ou politique y est plus stable que celle du domicile de l’investisseur n’est en soi pas répréhensible.
Si l’investisseur place dans un paradis fiscal des avoirs dont l’origine n’est pas discutable et s’il déclare au fisc ses revenus, il n’y a aucun problème. La société créée n’est pas illégale. C’est l’usage qui en est fait qui peut être illégal.
Autre chose est en effet l’évasion fiscale, l’évitement fiscal, la fraude fiscale.
Autre chose serait pour un avocat de conseiller un client de participer à une infraction pénale ou d’en faciliter la commission.
La responsabilité pénale de l’avocat ne peut être envisagée que si son conseil a été indispensable (co-auteur) ou utile (complice) pour la commission d’une infraction, qu’elle soit de nature fiscale ou de droit commun (par exemple liée à des trafics illicites). Le lien entre le mode de participation et l’infraction doit être certain. Ceci implique que l’avocat concerné ait connaissance de la circonstance qu’il participe à un délit.
Les valeurs de la profession
L’avocat qui participerait ainsi à la commission d’une infraction perdrait la protection du secret professionnel. Celui-ci ne protège pas les agissements illicites des avocats. La Cour de cassation de France vient de le rappeler à l’occasion des arrêts qu’elle a prononcés ce 26 avril dans l’affaire des écoutes de Nicolas Sarkosy.
Si tel est le cas, l’avocat commet un parjure en violant son serment au terme duquel il s’est engagé à respecter les lois et n’accepter de défendre une cause que s’il la croit juste en son âme et conscience.
Ce faisant, l’avocat trahit aussi les valeurs de la profession telles que la probité, l’indépendance ou la loyauté. Il est indigne. Il porte atteinte à l’ensemble de la profession, au sein de laquelle il n’a pas sa place.
Les Ordres d’avocats sont très attentifs à ce nécessaire respect des principes qui forment le socle de la profession. En collaboration avec la CTIF, ils veillent ainsi à ce que les avocats soient particulièrement attentifs au respect des obligations qui leur sont imposées en matière de prévention du blanchiment de capitaux et de lutte contre le terrorisme.
Là aussi, les avocats bénéficient du secret professionnel lorsqu’ils défendent leurs clients en justice ou lorsqu’ils les aident à évaluer leur situation juridique mais ils sont même tenus à une obligation de déclaration de soupçon lorsqu’ils participent à l’élaboration d’actes juridiques qui pourraient contribuer à des opérations de blanchiment.
L’avocat conseille, concilie, défend. Mais il ne ment pas et il ne fraude pas.