La fin des doubles  sanctions pénales et administratives
3 July 2014
Sanction administrative
Droit pénal des affaires
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La fin des doubles sanctions pénales et administratives

Par un arrêt du 4 mars 2014, la Cour européenne des Droits de l'Homme a jugé qu'en vertu du principe non bis in idem, un État ne peut imposer une double sanction pour les mêmes faits qu'à la condition que la première sanction ne revête pas un caractère pénal.

En l'espèce, un investisseur et ses représentants avaient été sanctionnés par l'autorité boursière italienne pour manquement à la législation relative à la manipulation de marché pour avoir diffusé dans un communiqué de presse de fausses informations à propos d'une société cotée en bourse. Les sanctions administratives pécuniaires et les interdictions professionnelles furent confirmées mais réduites par la Cour d'appel de Turin. La Cour de cassation rejeta les pourvois. La condamnation administrative était définitive.

Entre-temps, lesdits justiciables furent renvoyés en correctionnelle. Certains d'entre eux furent condamnés par la Cour d'appel de Turin, estimant qu'il était hautement probable que, sans les fausses informations incluses dans le communiqué de presse litigieux, la valeur des actions de l'entreprise concernée se serait abaissée de manière beaucoup plus significative. Les justiciables se pourvurent en cassation et devant la Cour européenne des Droits de l'Homme.

Arrêt Spector

Dans son arrêt du 4 mars 2014, la Cour européenne des Droits de l'Homme rappelle la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne dans l'affaire ayant opposé la NV Spector Photogroup à la CBFA (arrêt du 23 décembre 2009, affaire C-45/08) aux termes de laquelle:

  • Les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour de justice de l'Union assure le respect,
  • Le respect des droits de l'Homme constitue une condition de la légalité des actes communautaires,
  • La directive 2003/6/CE du 28 janvier 2003 sur les opérations d'initiés et la manipulation de marché n'impose pas aux États membres de prévoir des sanctions pénales à l'encontre des auteurs d'opérations d'initiés mais se limite à énoncer que ces États sont tenus de veiller à ce que des mesures administratives appropriées puissent être prises ou des sanctions administratives appliquées.

Eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu'au degré de sévérité des sanctions qu'elles sont susceptibles d'entraîner, de telles sanctions peuvent être, aux fins de l'application de la Convention européenne des Droits de l'Homme, qualifiées de sanctions pénales.

La Cour européenne des Droits de l'Homme relève aussi que, dans son arrêt du 26 février 2013 en cause Haklagaren C. Hans Hakenberg Franssen (affaire C-617/10) rendue en matière de TVA, la Cour de justice européenne avait précisé qu'en vertu du principe non bis in idem, un État ne pouvait imposer une double sanction (fiscale et pénale) pour les mêmes faits qu'à la condition que la première sanction ne revêt pas un caractère pénal.

Non bis In idem

La Cour européenne des Droits de l'Homme rappelle que le principe non bis in idem est garanti par l'article 4 du protocole n°7: "nul ne peut être poursuivi au puni pénalement par les juridictions du même État en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État".

Ce principe interdit de poursuivre ou de juger une personne pour une seconde "infraction" pour autant que celle-ci ait pour origine des faits qui sont en substance les mêmes. La question à trancher n'est donc pas celle de savoir si les éléments constitutifs des infractions administratives et pénales prévues par la loi sont ou non identiques, mais celle de déterminer si les faits reprochés au requérant devant l'autorité boursière italienne et devant les juridictions pénales se référaient à la même conduite.

Devant la juridiction administrative, les requérants étaient accusés de ne pas avoir mentionné dans des communiqués de presse une information importante qui aurait pu influencer le cours de bourse de l'entreprise concernée. Ils furent condamnés pour cela par l'autorité administrative et la Cour d'appel de Turin. Devant les juridictions pénales, les intéressés étaient accusés d'avoir déclaré, dans les mêmes communiqués, des informations fausses qui auraient été cachées afin d'éviter une probable chute du prix des actions de l'entreprise concernée.

Il s'agit clairement d'une seule et même conduite de la part des mêmes personnes à la même date. Il s'ensuit que les nouvelles poursuites concernaient une seconde "infraction" ayant pour origine des faits identiques à ceux qui avaient fait l'objet de la première condamnation définitive, et ce, en violation de la Convention européenne des Droits de l'Homme. La Cour de Strasbourg a donc invité l'État italien à veiller à ce que les nouvelles poursuites pénales encore pendantes soient clôturées dans les plus brefs délais.

Réformer la loi belge.

Le droit financier belge ne reconnaît pas dans ses textes le principe non bis in idem. Que du contraire, l'article 73 de la loi du 2 août 2002 et l'article 36/12 de la loi du 22 février 1998 maintiennent un système d'imputation entre amende administrative et amende pénale. Ce régime n'est pas conforme à la jurisprudence de Strasbourg.

L'encre des nouvelles lois bancaires est à peine sèche qu'il faudra déjà revoir les textes sauf, à ce que la FSMA, la BNB et les tribunaux répressifs écartent ces dispositifs et appliquent le principe non bis in idem conformément aux règles de droit international.

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